ESSAIS

Bruno Castelluzzo / hautefidelite-hifi.com / 2025

Classe A : Un volcan musical

Kora est connu pour ses électroniques au schéma original Square Tube, décliné sur toutes les séries. Mais Bruno Vander Elst ayant plus d’un circuit dans sa besace, il a conçu un amplificateur ultime en exploitant l’avantage de la pure classe A mariée au Square Tube. Le résultat impressionne, délivrant 120 W par canal en pure classe A !

La nouvelle famille Kora CSA haut de gamme comprend 4 amplificateurs : deux stéréo de 70 W et 120 W (CSA 270 & CSA 2120), plus deux modèles mono de 150 W et 200 W (CSA 1150 & CSA 1200). Vu la chaleur dégagée, ils possèdent la particularité bien utile de disposer d’un mode automatique qui contrôle l’allumage selon qu’un signal est présent en entrée ou pas. Par ailleurs, une gestion du courant en fonction des besoins de l’enceinte en gage un courant fort ou faible, évitant une consommation superflue. Admirez sous le capot en verre le filtrage d’alimentation gigantesque de 560 000 µF !

La classe A c’est mieux ?

Pour beaucoup d’amateurs, c’est la voie royale, mais elle est encombrante et dispendieuse. Pourtant, ses qualités musicales sont uniques, surtout en matière de richesse de timbre. Pourquoi ? Un vrai classe A consomme une puissance constante, quelle que soit l’amplitude du signal. Le courant nécessaire à l’amplification est immédiatement disponible, traversant toujours les transistors, ce qui signifie que l’alimentation est moins sollicitée. Elle génère aussi très peu de distorsion et offre un bon rapport signal/bruit, au contraire de la classe B qui produit une distorsion de croisement à cause du mauvais comportement des transistors sur les faibles courants au mo ment de s’éteindre.

Bruno Vander Elst tient à souligner qu’en classe B ou AB, l’amplificateur chauffe quand la puissance augmente ; un pure classe A à l’inverse, plus la puissance demandée est forte, moins l’appareil sera chaud. Mais si une faible puissance est envoyée aux enceintes, ce qui arrive souvent, alors en effet celle-ci sera transformée en chaleur (d’où le mode en courant réduit).

La réponse de Kora : Collector Series

Le point de fonctionnement des transistors est ici fixé par défaut dans leur zone de confort. Au repos, sans signal, la caractéristique tension-courant se retrouve au milieu de la courbe du transistor, où le composant se sent le mieux. Un signal va provoquer des excursions de courant autour de la zone médiane de fonctionnement : c’est là que le meilleur de l’amplification est extrait. Le Kora CSA 2120 fonctionne en pure classe A sur 8 ohms, mais sur des enceintes de 4 ou 6 ohms, l’amplificateur autorise un dé passement de la valeur limite de courant sur les crêtes de puissance, passant alors en classe A/B afin de ne pas pénaliser les enceintes. La puissance de sortie est alors augmentée, et même doublée sur 4 ohms. Le montage CSA Collector Series inédit de Kora dispose d’un étage de sortie à source de courant en classe A relié aux collecteurs des transistors, contrairement au schéma habituel qui utilise une source de tension avec la sortie sur les émetteurs. Gros avantage : ceci rend l’étage de puissance insensible aux courants indésirables induits par le filtre et les haut-parleurs des enceintes.

Linéarisation des étages

Tous les points de polarisation des composants sont contrôlés soit par des sources de courant, soit par des sources de tension, mais aucune liberté ne leur est laissée, car le concepteur se plaît à rappeler que « comme le disait Einstein, l‘Univers ne joue pas aux dés ». Dans le Kora, des dispositifs sont présents à tous les étages pour réduire les non-linéarités inhérentes aux composants, aussi bons soient-ils. Une contre-réaction globale est conservée, mais beaucoup plus faible, afin de minimiser les non-linéarités résiduelles. Le CSA 2120 possède des particularités intéressantes : détection de la phase secteur, inversion de la phase signal, réglage du gain en entrée sur chaque canal, et un mode Auto qui le fait passer en stand-by en l’absence de signal pendant plus d’une minute.

ÉCOUTE

Le CSA 2120 a été particulièrement bien mis en œuvre sur les enceintes Stenheim Three SE, en utilisant essentielle ment une source vinyle très haut de gamme et exigeante, capable de démontrer pleinement les qualités immenses dans le grave, la dynamique et la finesse générale du Kora.

Vitesse et expressivité engageante

Après une bonne mise en température, le CSA 2120 dévoile son charme bien personnel, ni tube ni transistor, mais assurément très musical, dans le sens du plaisir et de la matière, sans jamais montrer aucun des mau vais côtés des transistors : apanage de la pure classe A parfaitement maîtrisée. Cela ne l’empêche pas de dévoiler une transparence incroyable, où tout s’entend, parfaitement à sa place et rigoureusement calé dans l’espace, car porté par une assise du grave vraiment impressionnante qui fait redécouvrir des enceintes parfaitement tenues. Ce mélange d’humanité et de subtilité est sensible sur la voix un peu fragile et haute de Blossom Deary sur Winchester in Apple Blossom Time – Vol. IV, accompagnée sur un titre par la contre basse puissante et souple de Ron Carter : magnifique. Le Kora se montre aussi majestueux sur le live de Nick Cave en solo au piano sur l’album Idiot Prayer, touchant et grave à la fois, où la sensibilité de l’artiste à fleur de peau se ressent aisément. Une force vive comme l’éclair, prête à jaillir, fait aussi partie du caractère fort du Kora.

 

Maîtrise de la dynamique et du legato

Exemple, le Talking Heads Live on Tour ’78 vous transporte 47 ans en arrière sur la scène endiablée, où les rifs puissants des guitares se déchaînent sur les voix hurlantes de David Byrne et de son groupe. Le Kora a le don de nous téléporter dans l’espace-temps sans que le cerveau ne réfléchisse trop aux critères qui définissent le son, mais plutôt en nous branchant sur le jack de l’émotion, sans filtre entre la musique, vous et le public. C’est aussi un bonheur d’écouter le trio de Count Basie sur Kansas City 3, splendide de présence et d’inspiration, aux attaques foudroyantes du pianiste, sans oublier Ray Brown d’une stature inimitable, à qui le Kora rend un bel hommage. On peut dire la même chose de Prince qui donne le meilleur de lui-même en live, inspiré et parfois même traversé d’un éclair de gé nie, entouré des meilleurs comme sur le One Nite Alone… Live! avec Maceo Parker en invité : grandiose sur ce CSA 2120 ! (surtout en pressage japonais). Mais le Kora sait aussi être extrêmement fin et délicat sur le violon magnifique de la talentueuse et jeune Alina Ibraginova, interprétant les Violins Concertos de Mendelssohn dirigés par Vladimir Jurowski, qui offrent une image grandeur nature et très aérée. La musique est comme animée de son énergie naturelle dans un legato fluide qui enchante le mélomane.

VERDICT

Kora met tout son savoir-faire à l’intérieur du châssis et dans les performances techniques et musicales, non dans une finition clinquante et dispendieuse. Très imposant avec 66 cm de long pour 45 kg, le CSA2120 arbore un look gris sobre, mais à l’intérieur il tonne. C’est un véritable volcan musical aux milles facettes expressives, capable de faire passer des frissons, car il possède les facultés techniques pour y parvenir. Bruno Vander Elst n’a pas lésiné pour créer un amplificateur qui délivre une musique éloquente, avec un grand A pour une classe A transcendée.

Bruno Castelluzzo

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