
ESSAIS
Estève Fabry & Laurent Thorin / vumetre.com / JAN-FEV 2025
Vumètre : DAC140, Tubosphère dynamique
Après avoir largement exploité son architecture Square Tube au sein de ses amplificateurs, le concepteur et fabricant d’électroniques français Kora applique cette technologie à son DAC140. Cette configuration hybride associant tubes et transistors offre à l’écoute une musicalité exceptionnelle.
Douce et précise, la musique du Square Tube restitue avec beaucoup de finesse l’intégralité des détails et subtilités que compte le mes-sage sonore. Ne possédant pas de limite d’amplitude, la dynamique du signal est naturelle. La restitution jouit d’une très belle spatialisation, l’image sonore devient tridimensionnelle. La configuration Square Tube, conçue par Kora et qui lui est exclusive, diffère fondamentalement des architectures hybrides conventionnelles. Ici, les tubes ne sont plus exploités comme de simples étages de préamplification, mais associés selon un agencement comparable à un amplificateur opérationnel. L’architecture Square Tube met en œuvre deux tubes triodes ECC 82 et deux ECC 83, des doubles triodes bien connues des inconditionnels du « son tubes ». C’est ainsi quatre triodes qui sont mises à contribution pour assurer le filtrage du signal analogique. Afin de faire travailler ces tubes dans des conditions optimales, Kora a pris soin de stabiliser leurs tensions d’alimentation, +240 V et -240 V, une solution qui garantit un niveau de bruit particulièrement bas généralement réservé aux éléments les plus qualitatifs.
Le signal que délivrent ces étages intégralement ana-logiques est d’une stabilité et d’une homogénéité exemplaires. Cette configuration offre non seulement la possibilité d’atteindre une dynamique maximale associée à une bande passante étendue, mais également de préserver l’équilibre et la cohérence du message musical. Reste que, pour exploiter toute la finesse de restitution que promet la configuration Square Tube, il est indispensable de disposer d’un convertisseur numérique/analogique doté d’excellences performances, capable d’offrir au signal analogique un rapport signal/bruit de très haut niveau. Le plus efficace dans ce domaine est de réaliser un suréchantillonnage du flux numérique. Kora a décidé de faire travailler le DAC140 sur des flux 32 bits/768 kHz. De plus, ce choix simplifie la conception du filtre anticrénelage tout en diminuant le bruit présent dans la bande de fréquences à traiter. Pour assurer cette opération de conversion, Kora a retenu un up-sampler d’origine AKM associé à un convertisseur Rohm. Cette association dédiée au traitement numérique du signal offre la possibilité de capturer la moindre information que présente la musique. L’up-sampler d’AKM porte le taux d’échantillonnage à 768 kHz. Cette opération élimine donc les artefacts liés à la conversion numérique sur la plage des fréquences audibles. Le DAC Rohm, quant à lui, prend en charge la conversion synchronisée avec le signal d’origine. Enfin, le filtrage de sortie est entièrement analogique et confié aux étages Square Tube.
La signature sonore du DAC140 se révèle ainsi pleinement sous différentes spécificités qui déterminent son tempérament. La première réside dans la notion de dynamique, ici repoussée aussi loin que possible pour un convertisseur numérique vers analogique. La musique est vivante. Elle dispose d’une plage dynamique et d’une envergure qui offrent une nouvelle dimension à l’écoute. À cela s’ajoute la capacité du DAC140 à restituer un signal d’une finesse exemplaire, faisant ressortir une foule de micro-informations et de nuances. Le DAC140 se distingue également par son image sonore qui prend, là aussi, une dimension inédite. La scène se développe avec une remarquable envergure sur les trois dimensions. L’espace musical est aéré et étagé. Chacun des éléments qui le compose profite d’un détourage et d’une stabilité exceptionnelles. Tant les instruments que les voix bénéficient d’un naturel et d’un réalisme remarquables. Enfin, la signature qu’apporte l’utilisation des tubes confère à l’écoute beaucoup de matière et de douceur pour un plaisir peu commun.
Afin de s’intégrer facilement au sein des configurations les plus qualitatives, le DAC140 est équipé d’une connectique de qualité donnant accès à tout type d’interconnexion. Les standards les plus fréquemment utilisés sont donc présents. Pour les entrées numériques, le nouveau convertisseur Kora est paré. Quatre entrées sur prises RCA sont présentes. Deux prises Toslink sont dédiées aux liaisons optiques. À noter qu’un port USB-B est également présent afin que le DAC140 puisse exploiter les flux numériques issus d’un ordinateur dans des conditions optimales. Enfin, deux prises XLR au format AES/EBU trônent sur sa face arrière pour lui permettre d’accéder aux flux numériques issus des équipements les plus qualitatifs.
Pour ce qui est des sorties analogiques, l’essentiel est présent. Deux prises RCA sont dédiées au raccorde-ment du DAC140 à tout préamplificateur conventionnel travaillant en mode asymétrique tandis que, ici encore, deux prises XLR proposeront d’utiliser une liaison symétrique, une configuration toujours préférable pour optimiser le rapport signal/bruit de la liaison et éviter la perte du moindre détail de la restitution.
L’INSTALLATION
Nous avons reçu un DAC140 tout neuf que nous nous sommes empressés de connecter à nos diverses sources numériques (transport CD et transport réseau). En l’état, la performance était déjà particulièrement convaincante. Mais après quelques dizaines d’heures de fonctionnement, la sensation sonore s’est agrémentée d’une remarquable douceur. Nous ne saurions donc trop vous conseiller de vous livrer à un rodage de quelques dizaines d’heures. Par ailleurs, n’hésitez surtout pas à lire attentivement la prose du constructeur qui a réalisé un très beau travail en la matière. Généralement, nous ne compulsons que rarement les modes d’emploi, mais Kora peut être cité en exemple pour la qualité de ses deux notices d’utilisation.
LE SON
Avant de commencer à rédiger cette partie, nous avons dressé une liste de qualificatifs et de sensations. Tous sans exception avaient trait à la notion de « naturel » de la restitution. Plus nous avancions dans nos écoutes et plus nous étions frappés par le caractère jamais répétitif du DAC140 qui apporte à chaque enregistrement un éclairage bien spécifique, étant capable de parfaitement mettre en lumière les caractéristiques propres à chaque prise de son. Cela donne lieu à un éventail très large de propriétés sonores et procure à l’auditeur l’opportunité de bénéficier d’une fenêtre largement ouverte sur chacun de ses disques. Que cela soit sur un fichier ou sur une galette irisée, le DAC140 décrypte à la perfection le message en le rendant incroyablement lisible et surtout totalement exempt de dureté. On le sait bien, lorsque la résolution est de très haute qualité, le message gagne considérablement en douceur. Ici, c’est l’exemple par-fait. Non seulement le DAC140 fait preuve d’une mer-veilleuse cohérence musicale, mais il s’acquitte de cette tâche avec une très agréable sensation de complétude.
Lorsque l’on écoute, tout est là, parfaitement à sa place, rien ne vient perturber l’ordre logique et naturel des éléments qui, combinés, président à la reproduction du message dans son ensemble. C’est vraiment manifeste sur le prolongement et l’extinction des notes. Avec le DAC140, on a beaucoup de plaisir à écouter car on bénéficie d’un flux sonore varié, jamais lassant ni répétitif. Le son se caractérise par une très belle aération, il remplit largement le triangle stéréophonique, créant une bulle sonore ample et d’une très grande précision dans l’espace. Bien sûr, notre culture hi-fi nous suggère que ce montage propriétaire à tubes se révèle souverain dans sa manière de mettre le son en perspective. Mais il apporte également beaucoup de qualités à l’équilibre tonal. Le DAC140 procure en effet des timbres doux, lumineux et légèrement boisés qui caressent délicatement nos membranes auditives. L’un des indicateurs les plus révélateurs, c’est que lors d’une session d’écoute avec le DAC140, on ne zappe pas ! Les pistes musicales s’apprécient dans leur intégralité. Jamais sectaire, ce DAC fonctionne avec tout. Nous avons alterné un grand nombre de styles musicaux, particulièrement variés, voire radicalement différents, sans jamais ressentir un décalage de l’un à l’autre. Cela vient également du fait que ce convertisseur fait montre d’une très belle gestion de l’énergie, capable d’un punch et d’impacts véritablement démonstratifs lorsqu’il le faut.
NOTRE CONCLUSION
En observant le DAC140 sous tous les angles, on ne peut que saluer sa qualité de fabrication, et surtout la pertinence de ses choix techniques qui réfutent totalement la facilité pour s’aventurer vers des solutions propriétaires d’une grande créativité. À l’écoute, on ressent parfaitement ce que le concepteur a voulu mettre en exergue : un regard aiguisé sur l’essentiel, à savoir la qualité de la modulation de la phrase musicale en toutes circonstances, et cela quelle que soit la charge de détails qu’elle peut véhiculer. Le DAC140 va à l’essentiel, sans jamais oublier l’accessoire qu’il replace aussi justement que possible dans son contexte. C’est une machine qui fait preuve d’une grande maturité sonore et d’une superbe cohésion musicale. Elle pourra rendre justice à tout type de système tant sa cohérence est grande. Pour notre part, nous avons été totalement séduits par son aptitude à reproduire n’importe quel type de musique avec une égale élégance, et surtout une authenticité qu’il est rare de rencontrer à ce degré de réussite. Alors, pour conclure, nous dirons que bien sûr, 9 000 € est une somme que beaucoup ne pourront pas dépenser dans un DAC. Mais pour autant, pas un seul instant nous ne doutons de la pertinence de notre choix en lui décernant notre label Remarquable. Le DAC140 est l’un des convertisseurs les plus musicaux du marché à n’importe quel prix.
Par Estève Fabry et Laurent Thorin

