KORA TB400 : Costaud & doux

Les électroniques françaises Kora sont très originales grâce à leur schéma hybride Square Tube développé par Bruno Vander Elst, l’inventif créateur de la marque qu’il a reprise en 2017.
Le TB200 récompensé fait partie d’une gamme de trois intégrés, dont le modèle phare TB400 est apte à tenir les enceintes les plus gourmandes, avec muscle et finesse. Notre visite chez Kora en 2019 (HF 243) à Portet- sur-Garonne montrait la passion de son concepteur pour les tubes avec son extraordinaire collection de tubes anciens, également amateur d’Altec. Pas étonnant qu’il conçoive son circuit breveté pour en exploiter toute la quintessence. Kora fabrique les intégrés TB140, TB200 et TB400, mais également d’autres produits dignes d’intérêt : préampli PR140, amplificateurs TA240 et TA480 (120W et 240W), lecteur CD140 à sortie tube, et DAC140, tous exploitant le schéma d’amplificateur opérationnel Square Tube breveté. Le nouveau Kora Phono Stage est relié en RCA ou en XLR à la cellule, et dispose de 4 entrées, chacune programmables. Quant au TB400, il respire le sérieux : 2 x 200W sur 8 ohms, 2 x 360
sur 4 ohms, grâce une alimentation surdimensionnée et à son schéma unique. Nous l’avons entendu piloter avec brio les Diptyques Audio gourmandes avec une facilité déconcertante et une stabilité inconditionnelle, sans pour autant sacrifier toute la délicatesse dont il est capable.

DEUX TUBES AU CARRÉ

Ce n’est pas un amplificateur hybride avec des transistors précédés par des tubes, mais bien un amplificateur à tubes assisté par des transistors montés en suiveurs. Le Square Tube conserve les qualités des tubes, utilisés ici de façon totalement actuelle, en s’abstrayant des limitations en courant des tubes de puissance et en évitant le recours au transformateur de sortie, avec ses limitations comme les rotations de phase. En effet, les tubes amplifient peu, mais bien, et sont en général plus linéaires que les transistors. Pour compenser leur faible gain, le Square Tube utilise quatre triodes pour faire un seul étage, d’où le nom, garantissant un taux de distorsion plus bas qu’un montage traditionnel. Deux doubles triodes ECC83 JJ en étage différentiel sont suivies de deux doubles triodes ECC82 JJ à gain moindre. Le point de fonctionnement idéal leur est imposé : les triodes d’entrée sont nourries par une quasi-source de courant, alors que les courants dans les tubes de sortie sont fixés par des tensions de référence. L’alimentation est très supérieure aux besoins du signal audio, pour n’en utiliser environ que 20% et rester dans une zone de confort loin des limites de l’amplificateur. La haute tension du TB400 est régulée et stabilisée à +300V / ‒200V. Le Square Tube sort un signal symétrique par rapport à la masse et, à sa sortie, le signal est identique à celui présenté aux enceintes.
Les transistors de puissance complémentaires hyper-linéaires (exceptionnel sur les ON Semi choisis) vont apporter le courant demandé par les enceintes, mais sans intervenir dans l’amplification du signal. Le montage est donc articulé autour d’un étage différentiel, symétrique par essence, et d’un étage de sortie en classe AB qui s’apparente à un push-pull OTL. L’ensemble constitue un ampli opérationnel complet, capable de passer le continu, auto-stable et conservant la polarisation des tubes indépendamment des variations externes. Le chauffage des filaments en 12V continu est fourni de façon flottante par des modules DC-DC. La technologie Square Tube procure des atouts majeurs : pas de déphasages dans les basses fréquences ni dans l’aigu, et pas de limitation en courant.

SÉRIEUX ET PRO

L’écurie Kora possède le look distinctif et sobre de la marque, associant un bandeau en méthacrylate noir et un châssis poudré gris minéral, gravé du logo calligraphié. Un écran LED en façade affiche l’entrée sélectionnée, le volume et la balance, réglables par une petite roue affleurante ou de la belle télécommande massive en métal gris. Le TB400 accepte 4 entrées ligne, de sensibilité 1V pour une impédance d’entrée de 15K. Le solide châssis en acier et aluminium accueille l’alimentation qui prend presque toute la place; deux transformateurs toriques de 2 x 500VA y sont juxtaposés, et une autre alimentation de deux fois ± 65VDC, les tensions annexes et courant de repos étant fournies par 5 modules DC/DC et 2 régulateurs linéaires. Un circuit dédié de surveillance électronique applique un préchauffage des tubes, stabilise leur polarisation, et envoie la tension progressivement, interdisant toute présence de continu aux bornes des enceintes.

ÉCOUTE

Timbres : Une fois bien mis en température, le TB400 étale toute sa finesse d’exécution, dont un médium-aigu très ouvert, naturel, sans aucune coloration tube typique style push-pull puissant. Les fréquences supérieures se développent avec légèreté et douceur, les cymbales étant particulièrement belles et réalistes, la texture mettant en valeur les riches harmoniques des instruments. La partie grave est réellement impressionnante après avoir laissé chauffer l’appareil, qui détoure les notes de façon précise et nette, sans flou artistique, mais d’une puissance et d’une autorité phénoménales. Le TB400 explore au maximum ce dont sont capables les enceintes, qui réservent parfois de belles surprises. Sur le morceau «Le Lafontaine» de Michel Jonasz, album Où vont les rêves, la basse d’Étienne MBappé à la main gantée est d’un poids impressionnant, bien détourée et ferme à la fois, mais également fruitée et veloutée. Les gros boomers peuvent s’en donner à cœur joie.
Dynamique : L’autre avantage de la structure Square Tube est la capacité de l’amplificateur à piloter n’importe quel type de charge, même capacitive (le signal carré mesuré dans ce cas de figure le prouve). À l’écoute, cela se traduit par une énergie qui ne faiblit jamais, même sur les plus intenses modulations de niveau. Le TB400 ne s’écroulera pas, la limitation viendra des enceintes bien avant qu’il ne faiblisse, comme sur le Trio Mirabassi Live at The Blue Note à Tokyo, où l’énergie débordante du batteur Leon Parker s’exprime sans contrainte, dans une ambiance concert ici bien ressentie. Cette dynamique et le côté alerte se perçoivent également très bien sur un piano solo majestueux, comme sur le CD Moondog joué par François Mardirossian (Megadisc Classics) : la main gauche parcourt le clavier avec ampleur et majesté, faisant résonner l’instrument dans toute sa dimension, reflétant l’étendue de sa palette et la beauté mélodique. Scène sonore : Le TB400 est le fidèle reflet des prises de son qui dévoilent toutes leurs qualités (ou leurs défauts…), dans un sentiment de justesse omniprésent, preuve de la transparence, de l’énergie presque inépuisable et de la stabilité du TB400. Exemple : le magnifique album de Dédé Ceccarelli Carte blanche sorti en 2004 (Dreyfus), en duo avec John McLaughlin, sur le morceau «Tones for Elvin». L’orgue Hammond de Benoît Sourisse y est d’une envergure spatiale magistrale, intensément présent, où les variations du Leslie dans l’espace se ressentent avec acuité, en présence d’un grave très puissant. La guitare de John McLaughlin est divinement aérienne, planante, modulée à merveille par le Maître, pour une session d’écoute impliquante et jubilatoire, en prise directe avec l’inspiration des talentueux musiciens réunis – une sacrée ribambelle sur ce magnifique double album. Rapport qualité/prix : Les équipes de Kora à Toulouse participent aussi à la création d’instrumentation de haute précision pour les laboratoires de mesures civils, aéro- nautiques et militaires. Le choix des schémas et des composants du TB400 répond aux mêmes exigences élevées pour préserver totalement la fiabilité. Comme tous les Kora, il est construit de façon modulaire, où chaque fonction est implantée sur une carte électronique indépendante, facile à remplacer. Tout au plus regrettera-t-on l’absence de sortie casque, mais on lui pardonnera car c’est un intégré sérieusement construit, fait pour durer, et d’un budget raisonnable vu tous les efforts déployés.

VERDICT

Quel intégré puissant ! Ce TB400 est très fort, car il sort le grand jeu en montrant sa belle stature et son expressivité musicale, assurément de classe supérieure. Il fait chanter les tubes au mieux et exploite les points forts des transistors, bien boostés par une copieuse alimentation. L’éventail des associations est immense, y compris avec des enceintes très musicales mais gourmandes comme les panneaux. Le Square Tube TB400 accomplit quasiment la quadrature du cercle entre puissance et subtilité, le tout made in France : chapeau Kora!

Bruno Castelluzzo

TIMBRES 7/8
DYNAMIQUE 8/8
SCENE SONORE 8/8
QUALITE/PRIX 7/8
Bruno Castelluzzo